Charles Monselet roi des gastronomes

Charles Monselet roi des gastronomes

Il est né le 30 avril 1825 à Nantes au 16 rue Jean-Jacques Rousseau. Son père tenait un cabinet littéraire place Graslin, et gérait une imprimerie, ceci explique peut-être l’attirance du jeune Charles pour l’écriture...

La gastronomie est la joie de toutes les situations et de tous les âges.
Elle donne la beauté et l'esprit.
Elle saupoudre d'étincelles d'or l'humide azur de nos prunelles ;
elle imprime à nos lèvres le ton du corail ardent ;
elle chasse nos cheveux en arrière ;
elle fait trembler d'intelligence nos narines.
Elle donne la mansuétude et la galanterie...

Lors d'un déjeuner culinaro-culturel du 24 janvier 2020, Bernard Stradi nous a présenté ce personnage du 19ème qui a réussi à donner son nom à un quartier de Nantes. Les équipes du lycée des métiers Nicolas Appert nous ont bien accueilli et nous ont servi un savoureux menu..

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Il nous faut d’abord savoir qui était le personnage et comprendre pourquoi son nom a été attaché à des prix culinaires.

Il est né le 30 avril 1825 à Nantes au 16 rue Jean-Jacques Rousseau (rue dans laquelle vécurent également un certain temps Cambronne et Jules Verne).

Son père tenait un cabinet littéraire place Graslin, et gérait une imprimerie, ceci explique peut-être l’attirance du jeune Charles pour l’écriture. La famille quitte Nantes et s’établit à Bordeaux quand Charles a 9 ans. Il publiera ses premiers poèmes à 14 ans. Il travaille d’abord comme apprenti chez un négociant en vins, mais il commence ses écrits comme « journaliste » au Courrier de Gironde et il crée sa première comédie-vaudeville « Le carreau Brisé ». Il revient brièvement à Nantes en 1852 avant de gagner Paris peu après. Il se lie d’amitié avec Charles Baudelaire, Gérard de Nerval, Théophile Gautier, mais aussi Châteaubriand dont il deviendra proche. Châteaubriand écrivit deux versions de la préface des Mémoires d’Outre-Tombe l’une à la première parution de cette œuvre, la seconde dite « testamentaire » en 1831 23 ans après la première. Charles Monselet en rédigera une, vraisemblablement post-mortem de l’écrivain après une visite sur la tombe de celui-ci au Grand-Bé à Saint-Malo. Quant à Victor Hugo, Sainte Beuve et Barbey d’Aurevilly, ils l’admiraient et le faisaient savoir.

Charles Monselet appréciait François Rabelais, Jean de La Bruyère, Alexandre Dumas, Honoré de Balzac, et plus étonnant André LE NÔTRE célèbre architecte paysagiste décédé en 1700 et Théophile de Viaud poète du XVIIème décédé en 1626.

Touche à tout de talent, avec un œil à qui rien n’échappe et excellent observateur des mœurs de ses contemporains, il était à la fois écrivain, poète, journaliste, et polémiste redoutable et redouté. Il rédigea de nombreux ouvrages (citons par exemple Les ruines de Paris, puis les Chemises Rouges d’abord parus comme feuilletons dans la presse, Figures parisiennes, et Les souliers de Sterne qui est un conte fantastique) mais aussi des pièces de théâtre (comédies, revues, opéras comiques…). Gastronome avisé, il fut surnommé à cette époque « le roi des gastronomes » et fit revivre notamment « l’Almanach des Gourmands » de Grimod de la Reynière.

Il a sans doute inventé avec ce dernier et Brillat-Savarin l’art de la critique gastronomique.

Ce furent donc tous trois une sorte de Gault et Millau de leur époque…

Sa préface des Mémoires d’Outre-tombe de Châteaubriand (entre autres) lui valut une nouvelle carrière de grand chroniqueur parisien.
Il écrit ainsi pour le Figaro, L’Evénement, le Journal du Matin, le Pays, Le Monde Illustré, etc…

Il est également chroniqueur de la revue des Gastronomes et du Gourmet, (hebdomadaire qu’il a lui-même créé) et il écrit de délicieux sonnets, véritables appels au péché de gourmandise.

Ajoutons entre autres : une « Ode au cochon », le « Sonnet de l’asperge » un « Hymne à la Truite », une « ode à l’Andouillette avec vin du Layon », etc.

Ce qui lui fit dire vers la fin de sa vie : « A défaut de renom poétique, si difficile à conquérir, je me contenterai avec reconnaissance d’un peu de gloire culinaire ».

Quelques autres citations
La gastronomie est la joie de toutes les situations et de tous les âges. Elle donne la beauté de l’esprit.
La gastronomie fait trembler d’intelligence nos narines.
Tout a un terme en ce bas monde sauf le loyer qui en a quatre
Tout homme a dans son cœur un cochon qui sommeille

Il cite aussi sa ville natale dans la préface d’une de ses œuvres (« le plaisir et l’amour »)
« On m’a demandé l’autre jour
10 lignes de biographie
le vilain mot ! le vilain tour !
Les voici :
la ville de Nantes
A qui je n’en saurais vouloir,
M’a vu naître, sans s’émouvoir
De mes facultés étonnantes… »

Il disait aussi « Mon renom de gourmet me vient uniquement de ce que je suis grassouillet et que j’ai la lèvre sensuelle, j’ai une figure qui donne faim ».

Il eut pendant des décennies une compagne à laquelle il vouait une affection sans nuage, ils n’eurent jamais d’enfant ; elle n’était connue que de très peu de ses amis et sous le diminutif de « Phémie », il finit par l’épouser en toute discrétion seulement quelques mois avant de décéder.

Juste avant sa mort à Paris le 18 mars 1888, il dit encore avec son humour énigmatique habituel : « j’aurai un enterrement aux truffes », il est inhumé au cimetière du Père Lachaise à Paris (division 66).

Une anecdote : il semblerait qu’en Novembre 1898 pour les 10 ans de la mort de Charles Monselet, cet évènement ait été célébré au théâtre de la Renaissance sis place Brancas (qui deviendra Place Edouard Normand) à Nantes et qu’à cette occasion Jules Grandjouan (dessinateur, peintre et affichiste) connu à son époque comme un syndicaliste libertaire et quelque peu révolutionnaire, ait réalisé un croquis de Monselet au dos du programme de cette soirée. Ce dessin fut longtemps exposé salle Francine Vasse, sa reproduction fut en vente à la Librairie Durance, l’est-elle encore, je ne sais...

Ce théâtre fut détruit par un incendie le 18 décembre 1912, plusieurs projets de reconstruction furent présentés, mais la guerre fut déclarée, les projets ajournés, puis définitivement abandonnés en 1917, la municipalité d’alors les jugeant trop chers…
Sur une carte postale d’époque, nous voyons aussi le « marché aux marrons » qui se tenait sur cette place avant de gagner plus tard la place Viarme, où ceux qui ont mon âge l’ont connu chaque automne !

Notons encore que Charles Monselet a produit outre une cinquantaine d’ouvrages littéraires (romans, nouvelles, recueil de poèmes) une douzaine environ de pièces de théâtre aux destinées diverses que l’on pourrait qualifier parfois de succès d’estime, mais aussi de nombreuses citations pour lesquelles il est beaucoup plus connu aujourd’hui… L’on trouve cependant ses ouvrages dans de nombreuses bibliothèques prestigieuses du monde, de l’Australie au Vatican en passant par la Pologne ou la Tchéquie…

De nombreuses caricatures de Charles Monselet, pas toujours respectueuses et parfois féroces, ont été réalisées par ses contemporains, je retiendrai plutôt un dessin qu’il a lui-même réalisé en 1861, et une estampe à la pointe sèche de Marcellin Desboutin datée de 1879, juste avant que Desboutin ne quitte Paris pour Nice.

L’Association des Amis de Charles Monselet

Après avoir brossé le portrait du personnage, attardons nous quelques instants sur les évènements qui ont porté le nom de CHARLES MONSELET, leurs origines, leur histoire.

En 1982, l’Association des Amis de Charles Monselet, créée et présidée par Bernard LEGERON (et dont j’ai eu l’honneur d’avoir été membre émérite fondateur, comme le Président-Fondateur de l’Institut Edouard Nignon, Yvon Garnier d’ailleurs), crée un prix littéraire qui porte son nom, ce prix sera attribué pour la première et seule fois à Henri LEHUEDE de Batz sur Mer, ancien chef de cuisines du paquebot « France » pour son ouvrage « La Grande Cuisine du France ». Cet ouvrage relate, côté gastronomie, le Tour du monde du France au départ de Southampton en 88 jours et 22 escales qui eut lieu du 5 janvier au 2 avril 1972 à l’occasion du centenaire du « Voyage de Philéas FOGG ».
Henri LEHUEDE fut donc le premier « Chef » honoré au nom d’un prix Charles Monselet, mais, paradoxe seulement apparent, pour une œuvre littéraire et non pas culinaire… Ce prix lui fut remis le 29 avril 1982 au Domaine de la Berthelotière devenu ensuite Domaine d’Orvault, puis maintenant Quintessia Resort, par Armel de Wismes historien et grande figure littéraire de Nantes. Cependant son ouvrage, dont je possède un exemplaire dédicacé, est aussi culinaire, car il indique les menus journaliers de toute la croisière et les recettes correspondantes, il relate aussi de nombreuses anecdotes des escales, J’évoquerai ce grand chef un peu plus tard.

Quelques mois après la remise de ce prix, en Septembre 1982 à l’initiative de la Ville de Nantes (M. CHENARD étant Maire), mais aussi de l’Association des Amis de Charles Monselet, des associations de jumelages de la ville, de l’Association des barmen de France, du Syndicat de la Boulangerie, de nombreux restaurateurs Nantais, se tiendra au Château de la Chantrerie notamment la Fête des Villes jumelées à Nantes c’est-à-dire Cardiff, Seattle, Tbilissi. A cette occasion, un grand concours de mets réalisés sur place avec des produits des 4 pays sera réalisé avec dégustations sur place accompagnées des vins locaux et de nombreuses sortes de pains proposés par les boulangers Nantais.

De même il y fut créé par les barmen de France un cocktail portant le nom de Monselet…

Ce fut un moment fort apprécié des participants des 4 villes et des 4 pays représentés. Un moment d’amitié internationale unique à notre connaissance !

Ensuite, de 1990 à 1995 seront décernés les premiers prix gastronomiques Charles Monselet honorant des chefs régionaux, puis durant presque 10 années le prix Charles Monselet disparait.

En 2004 une heureuse initiative de l’Office de Tourisme de Nantes Métropole et Interloire-Nantes relance un Prix Charles Monselet pour valoriser la cuisine nantaise tant historique que novatrice et les vins de Nantes, j’y fus membre du jury pendant 10 ans.

La zone géographique couverte comprenait les 24 villes de Nantes Métropole et les 32 communes du Vignoble.

Les Chefs, les cavistes, les clients sont les ambassadeurs quotidiens et permanents de cette gastronomie.

Les trophées Charles Monselet, en résine, avaient été créés par Patrick Grey. Roi Carnaval en 2005, il était marionnettiste (a participé à la création des « Marionnettes de Nantes »), spécialiste en décors, costumes, masques, expert en maquettes de chars du Carnaval. « Il faut s’amuser » telle aurait pu être sa devise. Il a ainsi peint avec humour les traits et la silhouette replète de Charles Monselet, bon vivant lui aussi, d’ailleurs pour ceux qui connaissent l’artiste, une certaine forme d’autoportrait est présente dans la statuette du prix…. On peut encore en voir dans certains restaurants nantais. Il est décédé en 2017 à 66 ans.

Pour conclure, et avant de brièvement parler des produits de la « cuisine nantaise », je voudrais vous dire que Charles Monselet fut un écrivain qui aurait peut-être mérité un succès plus marquant et durable de ses écrits, mais indéniablement il faut retenir qu’il a inventé la critique gastronomique dont nous sommes tous les héritiers aujourd’hui, et c’est pourquoi nous le mettons à l’honneur à Nantes depuis près de 40 ans, et je suis fier de modestement y participer depuis 38 ans.

Les produits typiques de la cuisine Nantaise inspirateurs des Chefs

Rappelons que la gastronomie nantaise ne comprend pas que le beurre blanc (erreur culinaire de Clémence Lefeuvre qui avait raté une sauce Hollandaise, comme les sœurs Tatin de Lamotte Beuvron avaient « gâché » une tarte aux pommes), l’anguille, et les cuisses de grenouilles. En effet la vraie cuisine nantaise s’appuie sur des produits qui depuis les origines arrivaient ou étaient produits à Nantes :
Les produits maraîchers cultivés depuis des lustres sur les alluvions de la Loire

Les produits de la mer (langoustines, coquilles St jacques, etc…) et de la Loire (saumon, alose, civelles, lamproie)
Les épices, le sucre, le rhum issus du commerce triangulaire
Les viandes produites par l’élevage régional (bovins, porcins, et volailles notamment)
Les fromages dont le plus illustre est le fromage dit « Du curé », et bien sûr… les Vins de Nantes
Où trouver ces produits ?
Au MIN, sur les marchés de Nantes Métropole et du Vignoble, directement chez les producteurs, chez tous les bons commerçants…et dans les restaurants de la Région bien entendu !

Bernard STRADI

Références :
Archives de l’auteur
Babelio.fr, BNF.fr, Lespoetes.net, Books.google.fr, Alamblog.com
Canalacadémie.com, Wikipédia, Ouest France.fr, Lefigaro.fr
Presse régionale

Prix Charles Monselet 1992

Charles Monselet roi des gastronomes

Charles Monselet roi des gastronomes

C i-devant écrivain, et grand épicurien,
H obereau de province devenu parisien,
A mi de grandes plumes, de gourmands et gourmets
R ien ne put arrêter son appétit de mets.
L e « Roi des Gastronomes », surnom lui fut donné,
E xcellent journaliste, polémiste redouté,
S es qualités humaines attiraient forces amies

M algré sa propension à juger à l’envi.
O n trouve dans son cercle moult célébrités,
N ommons-en quelques-unes : Baudelaire, Sainte-Beuve, Gautier,
S ans oublier Nerval, Hugo, Châteaubriand,
E t surtout ce dernier, ami de tous les temps,
L es « Mémoires d’Outre-Tombe », il lui fit préfacer.
E n conquérant Paris en moins de trois années…
T out lui a réussi : dans l’art de l’écriture

R ien ne lui résista, dans l’art de nourriture,
O n lui doit le nouvel « Almanach des Gourmands »,
I nventant par là-même un nouvel évènement

D estiné au public, et pour lui révélant,
E n quelques pages écrites à chaque fin de semaine
S es meilleures découvertes et ses tables « aubaines ».

G ault et Millau eux-mêmes n’ont fait que l’imiter,
A insi cent ans plus tôt, Charles l’a déjà créé.
S a grande érudition, son savoir éclectique,
T endront rapidement à forger sa « critique »
R elatant ses repas, goûtés ici où là
O bservant chaque mets, détaillant chaque plat
N otant avec conscience, tout potage, tout rôti,
O u bien vilipendant tout écart sur les prix !
M aintenant nous savons qu’il fut un précurseur
E t que nous devons bien, céans lui rendre honneur,
S on œuvre bien faire connaître, en tout lieu et toute heure.

Bernard Stradi